Hector the convector hydrate la stratosphère

Une équipe du Laboratoire d’aérologie (LA/OMP, CNRS / UPS) vient de réaliser avec le modèle météorologique communautaire français Méso-NH, une série de simulations à différentes résolutions spatiales de l’orage Hector the convector du 30 novembre 2005, au nord de Darwin en Australie. Ce jour-là, des particules de glace avaient été observées jusqu’à 18 km d’altitude. En accord avec ces observations, ces simulations ont permis de reproduire des courants ascendants pénétrant la stratosphère et ainsi de montrer que les épisodes orageux tropicaux peuvent l’hydrater directement. En revanche, seules les simulations les plus fines, ayant une résolution horizontale inférieure à 200 m, ont permis une estimation fiable de l’hydratation nette de la stratosphère, qui s’élève à 16 % (en masse de vapeur d’eau).

 

Relativement sèche, la stratosphère( 1) contient néanmoins un peu de vapeur d’eau. Mesurée depuis 1991 avec précision par satellite, la quantité de vapeur d’eau contenue dans la stratosphère tropicale a augmenté jusqu’en 2000 avant de diminuer, un comportement qui n’est pas encore bien compris aujourd’hui. Or, la présence de vapeur d’eau dans la stratosphère a un impact non négligeable sur l’atmosphère : elle conduit à un effet de serre additionnel et à une destruction de l’ozone stratosphérique (notamment aux pôles). Il est donc important de comprendre pourquoi l’humidité de la stratosphère varie, si l’on veut pouvoir améliorer la prévision de sa future composition dans le contexte du changement climatique.

À l’heure actuelle, aucun des modèles existants de circulation atmosphérique générale n’est capable d’expliquer l’évolution de l’humidité stratosphérique. Une explication pourrait être que ces modèles sous-estiment le transport de l’air jusqu’à la stratosphère par les orages tropicaux, en raison de la taille trop importante des mailles( 2) utilisées. Il est vrai que l’impact de la convection profonde( 3) sur les échanges à l’interface troposphère – stratosphère a longtemps été considéré comme négligeable, les orages n’atteignant que rarement des hauteurs supérieures à la tropopause( 1).

En 2005-2006, des particules glacées et des poches d’air humide ont été observées par plusieurs équipes dans la basse stratosphère tropicale autour de systèmes orageux au Brésil, en Afrique et en Australie. En particulier, un panache convectif d’air orageux contenant des cristaux de glace et traversant la tropopause pour atteindre 18 km d’altitude a été observé le 30 novembre 2005 au-dessus de Hector the convector par le lidar embarqué sur l’avion stratosphérique Geophysica volant à plus de 18 km d’altitude. Hector the convector est un super orage tropical qui se développe quotidiennement en période de pré-mousson au nord de Darwin en Australie.

Des études numériques associées à ces observations ont alors été réalisées à l’aide de modèles régionaux plus détaillés et de mailles kilométriques. Ces simulations ont permis de montrer que la convection profonde tropicale pouvait dépasser la tropopause et pénétrer la basse stratosphère jusqu’à 20 km d’altitude. Néanmoins, si les résolutions utilisées permettaient une représentation explicite des circulations à l’intérieur des nuages, elles ne donnaient pas une estimation fiable du transport convectif.

Afin de déterminer à partir de quelle résolution horizontale les simulations numériques deviennent réalistes, des chercheurs du LA ont réalisé une série de simulations de l’orage Hector du 30 novembre 2005 avec des mailles de 1600, 800, 400, 200 et 100 m (résolution horizontale) par 100 m (résolution verticale), réalisant ainsi la première simulation d’un orage atteignant la basse stratosphère avec une maille cubique aussi fine (100 m de côté).

Le modèle météorologique utilisé pour les simulations était le code communautaire  Méso-NH développé conjointement par le LA/OMP et le Groupe d’étude de l’atmosphère météorologique (GAME/CNRM, Météo-France / CNRS). La configuration choisie pour la simulation de maille cubique de 100 m de côté était une grille de 2560 x 2048 points et 256 niveaux (soit 1,34 milliard de points). Cette simulation a été réalisée sur le supercalculateur Turing de l’IDRIS (CNRS). Elle a mobilisé 16 384 cœurs, a consommé 8 millions d’heures de calcul pour modéliser 10 heures d’orage (temps réel) et a généré un volume de 20 To de données.
 
Toutes les simulations réalisées ont reproduit avec succès l’épisode orageux dans son entier, de sa genèse à sa dissipation, et mis en évidence une hydratation de la basse stratosphère par le système orageux. Ces travaux ont en outre permis de montrer qu’une estimation fiable de l’hydratation nette de la stratosphère n’est possible qu’à partir des simulations dont la résolution horizontale est inférieure ou égale à 200 m et que cette hydratation s’élève à 16 % (en masse de vapeur d’eau).
L’extrapolation( 4) de ce résultat à l’échelle globale suggère que 18 % de la masse de vapeur d’eau contenue dans la stratosphère mondiale proviendrait du transport de vapeur d’eau à travers la tropopause par les orages tropicaux. Néanmoins, des simulations à haute résolution d’autres orages dans des environnements météorologiques contrastés devront être réalisées pour apprécier de manière plus réaliste l’importance de l’impact, à l’échelle globale, du transport convectif sur l’humidité de la stratosphère.

Note(s): 

  1. La stratosphère est la partie haute de l’atmosphère terrestre située au-dessus de la partie basse ou troposphère, entre 8 – 20 (aux pôles) et 40 – 60 km (à l’équateur) d’altitude selon la latitude. La limite entre troposphère et stratosphère est appelée la tropopause.
  2. Dans un modèle de circulation atmosphérique générale, l’atmosphère est découpée en mailles élémentaires, à l’intérieur desquelles les valeurs des différentes variables du modèle sont périodiquement calculées en tenant compte des échanges avec les mailles adjacentes.
  3. En météorologie, la convection désigne tout processus de transport vertical de l’air. Elle est à l’origine des brises de mer, des cumulus de beau temps et des orages, et dans ce dernier cas, on parle de convection profonde.
  4. Cette extrapolation a été réalisée à partir du nombre annuel moyen d’orages tropicaux s’élevant à une altitude supérieure à 17 km, lequel a été estimé à partir de données satellitaires.

Source(s): 

Dauhut, T, J.-P. Chaboureau, J. Escobar, and P. Mascart, 2015, Large-eddy simulation of Hector the convector making the stratosphere wetter, Atmos. Sci. Letter, 16, 135-140, doi:10.1002/asl2.534

Contact(s):

  • Jean-Pierre Chaboureau, LA/OMP

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