Comment les sylphes se déclenchent-ils au-dessus des orages ?

Depuis le début des années 90, des décharges électriques lumineuses, notamment des sylphes, sont observées au-dessus des nuages d’orage. Parallèlement aux observations de plus en plus détaillées de ces phénomènes spectaculaires, plusieurs théories ont été développées pour les expliquer. Grâce à des observations très précises effectuées lors d’un orage qui s’est produit en octobre 2012 près de la côte, dans le sud-est de la France, une équipe internationale(1) coordonnée par le Laboratoire d’aérologie (LA/OMP, UPS / CNRS) a pu déterminer avec précision les caractéristiques des éclairs qui sont à l’origine de ces sylphes.
Les événements lumineux transitoires (TLE, de l’anglais transient luminous events) sont des décharges électriques lumineuses se produisant au-dessus des nuages d’orage. Découverts au début des années 90 et régulièrement observés depuis lors, ces TLE sont de différents types, parmi lesquels on trouve notamment les sylphes (sprites en anglais).
Les sylphes peuvent prendre différentes formes qui sont à l’origine de leur classification en « colonne », « carotte », « ange » ou encore « méduse ». Ils sont en général associés à des systèmes convectifs de moyenne échelle. Ils ont en grande majorité la particularité d’être produits quelques millisecondes à quelques dizaines de millisecondes après un éclair nuage-sol positif (voir encart).
 du programme HyMeX (Hydrological cycle in mediterranean experiment) développé dans le cadre du programme MISTRALS du CNRS, d’importants moyens d’observation ont été réunis, notamment pour observer les éclairs lors des périodes orageuses. Ces moyens incluaient un système de localisation tridimensionnelle et à haute résolution des éclairs, divers capteurs du rayonnement produit à basse et très basse fréquence par les éclairs et plusieurs systèmes de localisation des impacts d’éclairs au sol. À cela s’ajoutaient des caméras optiques pour visualiser les sylphes, des radars et des observations spatiales pour identifier les caractéristiques des nuages d’orage.
Le 22 octobre 2012, un orage s’est développé en fin de journée près de la côte, dans le sud-est de la France. Il a pu être documenté tout au long de son activité, laquelle a été modérée, avec un taux maximum de 11 éclairs par minute. Douze sylphes ont néanmoins été observés pendant sa phase de dissipation, au-dessus de sa région stratiforme, dont la plupart ont été localisés par triangulation grâce à des clichés issus de deux caméras.
Plusieurs types de sylphes ont ainsi pu être identifiés et classés selon leur délai de déclenchement après l’éclair et leur niveau de luminosité.
Il s’avère que les éclairs nuage-sol positifs ayant produit ces sylphes ont effectivement démarré près de la zone convective nuageuse qui correspond en général à de fortes valeurs du champ électrostatique. Ils se distinguaient des autres éclairs nuage-sol essentiellement par des arcs positifs ayant des valeurs de pics de courant nettement plus fortes en moyenne, mais surtout des valeurs systématiquement plus grandes de la variation du moment de charge. D’autres caractéristiques très précises de ces éclairs, concernant tant leur propagation dans le nuage d’orage que les quantités de charges neutralisées, leur localisation et leur mode d’écoulement dans le canal de l’éclair, ont également pu être mises en évidence. Par exemple, si la charge positive neutralisée est grande et s’écoule rapidement dans le canal de l’éclair, un sylphe très lumineux peut être généré très rapidement au-dessus de l’orage.

spirit-radar

À gauche : un sylphe très lumineux de type « méduse » triangulé à partir de vidéos obtenues avec 2 caméras. À droite : propagation de l’éclair à l’origine de ce sylphe (superposée à l’image radar à 3 km d’altitude). L’éclair a démarré près de la zone convective de l’orage (croix blanche), puis il s’est propagé vers le sommet et la région stratiforme de l’orage, d’abord lentement (cercles bleus) puis de plus en plus rapidement (cercles bleus et rouges) jusqu’à former l’arc positif (croix rouge) qui a déclenché le sylphe. L’éclair a ensuite continué sa propagation dans le nuage (points noirs).

Ces travaux ont notamment reçu le soutien financier de l’ANR (IODA-MED), du CNRS (programme MISTRALS) et du CNES.

Principe de production des sylphes
Au cours d’un orage, une séparation des charges positives et négatives se produit dans la partie convective du nuage, jusqu’à former une couche de charges positives positionnée au-dessus d’une couche de charges négatives. Cette situation peut conduire au déclenchement, entre la couche de charges négatives et le sol, d’éclairs nuage-sol négatifs qui neutralisent les charges négatives. Les charges positives peuvent alors commencer à s’écouler latéralement vers la zone stratiforme (non convective) du nuage grâce à la dynamique de l’air au sein du système orageux. Lorsque le réservoir de charges positives ainsi formé est suffisant, cela peut conduire au déclenchement d’éclairs nuage-sol positifs, entre ce réservoir et le sol. Ces éclairs se propagent en général sur de grandes distances et peuvent produire des arcs qui neutralisent brutalement de grandes quantités de charges positives, induisant des variations relativement fortes du moment de charge. De tels arcs peuvent entraîner le démarrage à haute altitude (en général autour de 70 km) de décharges de type streamer (les charges négatives de très haute altitude en provenance de l’ionosphère, qui étaient attirées par ces charges positives, repartent brutalement en sens inverse), lesquelles génèrent le phénomène lumineux appelé sylphe.

  • Laboratoire d’aérologie (LA/OMP, UPS / CNRS), Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA, CNRS / Observatoire de Paris / Université Cergy-Pointoise / UPMC / ENS Paris), University of Bath (Royaume-Uni), University polytechnic of Catalonia (Espagne), Laboratoire de l’atmosphère et des cyclones (LACy/OSU-Réunion, CNRS / Université de La Réunion / Météo-France), University of science and technology (Pologne), NMT (USA), Météorage
  • Source(s): Soula et al., 2015 : Time and space correlation between sprites and their parent lightning flashes for a thunderstorm observed during the HyMeX campaign. J. Geophys. Res. Atmos., DOI: 10.1002/2015JD023894
  • Contact(s): Serge Soula, LA/OMP

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