L’objectif de MAP-IO est d’étudier la composition de l’atmosphère et les processus océan-atmosphère ayant un impact sur le climat régional et la prévision numérique du temps.
Le programme MAP-IO se positionne dans une logique d’observatoire avec trois objectifs principaux :
- la production et la bancarisation de données pour les études de processus atmosphériques, océanographiques et des échanges à l’interface,
- la validation et la calibration des capteurs spatiaux et des modèles numériques de prévision météorologique et,
- le suivi des changements globaux sur les océans Indien et Austral.
Ce programme scientifique s’appuie sur la bancarisation de données océaniques et atmosphériques en équipant le navire Marion Dufresne de 19 systèmes de mesure de l’atmosphère pérennes et autonomes.
MAP-IO est labellisé par la commission Nationale de la Flotte Hauturière depuis 2020 et vient d’obtenir la labellisation CNRS comme instrument Nationale pour la période 2025-2030.
Le programme est coordonné par Pierre TULET (LAERO / OMP) et Joanna Kolasinski (ENTROPIE / OSU-R).
- Pour en savoir plus : Site web de MAP-IO
- Contact : P. Tulet
Contexte, motivations et objectifs scientifiques
Le manque d’observations atmosphériques et océaniques sur les océans Indien et Austral pose plusieurs problèmes de calibration et d’assimilation aux modèles de prévision numérique du temps, de climat et pour la calibration des capteurs spatiaux. Récemment, l’OMM a mis l’accent sur ce besoin pour répondre aux problèmes opérationnels et scientifiques (Thurston et al., 2021). Ce manque d’observation impacte notre connaissance du lien entre apports atmosphériques, événements météorologiques (coups de vents, augmentation de la température), et processus chimiques et biologiques dans la couche limite marine et la couche épipélagique de l’océan.
Récemment, Skinner et al. (2020) ont montré le rôle important de la convection de l’océan Austral comme amplificateur potentiel du réchauffement de l’Antarctique et de l’augmentation du CO2 atmosphérique. Gruber et al. (2019) estiment que 40 à 50 % de l’absorption mondiale de CO2 atmosphérique par les océans se produit dans l’océan Austral. Or, dans le contexte du changement climatique, l’évolution du puits de CO2 océanique et l’impact sur le système carbonaté restent incertains. Cette incertitude est particulièrement forte dans les océans Indien et Austral en raison du manque d’observation de CO2 atmosphérique pour mieux contraindre les inversions (Le Quéré et al., 2007 ; Landschützer et al. 2015 ; De Vries et al., 2017) et du manque d’observations saisonnières et intra-saisonnières. Le couplage particulier, les incertitudes dans les processus naturels d’émission d’aérosols sont répercutées dans la prévision du forçage des aérosols (Carslaw et al. 2017). L’une des régions identifiées comme particulièrement importantes pour l’étude des interactions océan-atmosphère est l’océan Austral (Mallet et al. 2023). Cette région est peu affectée par les aérosols anthropiques (Hamilton et al. 2014), ce qui permet d’étudier le système aérosol-nuage dans des conditions proches de l’ère préindustrielle. C’est aussi dans cette région que les interactions océan-atmosphère sont mal comprises, engendrant un biais de réchauffement important dans les modèles globaux (Bodas-Salcedo et al., 2014 ; Cesana et al. , 2022). Précisément, les processus d’émission et les propriétés physico-chimiques des aérosols marins sont mal connus et paramétrés dans les modèles numériques notamment par méconnaissance du rôle du phytoplancton (McCoy et al. 2015). Il est donc important de mener des études océan-atmosphère coordonnées et qui englobent la diversité des sources d’aérosol marins et leurs potentiels régulateurs biologiques. Dans ce contexte, il est également essentiel de mesurer les composés organiques volatils (COV), précurseurs gazeux d’aérosols secondaires; non seulement le DMS mais également CH3SH, un composé peu mesuré jusqu’à présent mais qui pourrait avoir aussi un impact significatif sur les aérosols soufrés et ainsi sur le bilan radiatif (Gros et al., 2023), en particulier dans la zone australe (Wohl et al., soumis). Il est aussi important de documenter les variations spatio-temporelles des composés terpéniques (isoprène et terpènes), dont le rôle sur le bilan des aérosols organiques secondaires “marins” est encore associé à beaucoup d’incertitudes (Yu and Li, 2021).
La compréhension des émissions, du transport des aérosols et de leur rôle dans la formation nuageuse au-dessus des océans est également un défi important pour la prévision numérique du temps. Les émissions des embruns sont notamment très peu contraints en conditions de vent fort et de forte houle (Canepa et Builtjes, 2017; Pianezze et al., 2018; Sauvage et al. 2021). Ce verrou implique des biais importants dans les paramétrisations numériques des flux d’enthalpie à l’interface et impacte notamment notre capacité à mieux comprendre et prévoir les tempêtes, la convection profonde et les cyclones tropicaux (Ramanathan et al., 2001 ; Hoarau et al., 2018 ; Sroka et Emanuel 2021). Du fait de la confluence des courants océaniques et des vents forts récurrents, la région sud-ouest de l’océan Indien a été identifiée par le réseau OceanSITES comme une zone clé prioritaire à combler pour la mesure de flux turbulents de chaleur et de quantité de mouvement (Cronin et al., 2019).
L’ozone troposphérique joue également un rôle majeur dans le réchauffement de l’océan Austral (Liu, W et al., 2022). L’ozone peut ainsi influencer les schémas de circulation atmosphérique et la formation des nuages, qui à leur tour affectent la dynamique du climat régional et mondial. Il est important de connaître les variations de concentration d’ozone troposphérique, car elle peut affecter l’équilibre radiatif du système atmosphère-océan, influençant l’absorption de chaleur et les schémas de circulation dans l’océan Austral. Les océans Indien et Austral sont également cruciaux pour étudier l’évolution et le transport de l’ozone stratosphérique depuis le réservoir tropical vers les hautes latitudes par la branche inférieure de la circulation de Brewer-Dobson. Or sous l’effet du changement climatique l’évolution de cette circulation devrait diminuer l’ozone stratosphérique aux tropiques et affecter la vitesse de comblement du trou d’ozone antarctique (Solomon et al., 2016). Enfin, les océans Indien et Austral sont également une voie de transport pour les panaches de feu et de poussières désertiques provenant d’Amérique latine, d’Australie et d’Afrique Australe (Edwards et al.,2006 ; Duflot et al., 2011). Ces dépôts d’aérosols sont cruciaux pour ensemencer le phytoplancton dans un océan pauvre en minéraux.
Ainsi malgré son importance climatique, cette région du monde est quasiment absente des réseaux opérationnels de surveillance de l’atmosphère; seuls 3 stations basés à La Réunion (21°S, 55°E), sur l’île de Kerguelen (49.3°S, 69°E) et d’Amsterdam (37°S, 77°E) permettent de documenter une zone aussi vaste que l’Europe.
Le programme MAP-IO (Marion Dufresne Atmospheric Program – Indian Ocean) vise à pallier ce manque d’observation en équipant le navire Marion Dufresne (https://taaf.fr/en/marion-dufresne-and-astrolabe/) d’un ensemble d’instruments in-situ et de télédétection pour l’étude de l’atmosphère et de l’océan. Ce programme financé par l’université de La Réunion (fonds FEDER), le CNRS, l’IFREMER et Météo-France et coordonné par le LACy (2020-2023) puis par l’OSU-R (depuis 2023), a été labellisé par la Commission Nationale de la Flotte Hauturière (CNFH) pour la période 2021 à 2024 et une demande de renouvellement est en cours pour la période 2025-2030.
Durant cette première période, MAP-IO a fonctionné comme un programme scientifique dédié à la production de connaissances et la bancarisation de nouvelles données. Cette période a servi également de prototype opérationnel pour étudier la faisabilité de la transformation du programme en observatoire mobile visant à s’intégrer dans des réseaux d’infrastructures internationaux tels qu’ACTRIS-ERIC (https://www.actris.eu/) ou ICOS-ERIC (https://www.icos-cp.eu/).
Le programme MAP-IO se positionne donc dans une logique d’observatoire avec trois objectifs principaux : (i) la production et la bancarisation de données pour les études de processus atmosphériques, océanographiques et des échanges à l’interface, (ii) la validation et la calibration des capteurs spatiaux et des modèles numériques de prévision météorologique et, (iii) le suivi des changements globaux sur les océans Indien et Austral.
Instruments rattachés à MAP-IO au 1er janvier 2024
Actus MAP-IO
MAP-IO labellisé instrument national CNRS
Le programme MAP-IO vient d’être labellisé instrument national par le CNRS pour la période 2025-2030