Premières mesures de radon au sommet du Pic du Midi

Équipée depuis fin octobre 2017 d’un instrument de pointe, la plate forme d’observation du Pic du Midi mesure le taux de Radon contenu dans l’atmosphère et livre ses premières mesures. Cette nouvelle mesure complète l’arsenal des mesures réalisées au sommet et apporte un nouvel éclairage sur les sources de pollution atmosphérique.

 Pourquoi mesurer le radon au Pic du Midi ?

Depuis une quinzaine d’années la plateforme d’observation atmosphérique P2OA (p2oa.aero.obs-mip.fr) mesure au sommet du Pic du Midi divers polluants atmosphériques (ozone, monoxyde de carbone, aérosols, gaz à effet de serre, mercure élémentaire et oxydé, etc.).  Ces mesures déployées sur un site de haute montagne, et réalisées en collaboration avec des laboratoires nationaux et internationaux, ont pour principal objectif de mesurer les concentrations de fond de ces polluants en s’affranchissant le plus possible de l’influence de sources locales ou régionales.

La mesure du radon sur notre site permet de discriminer, parmi les masses d’air plus ou moins polluées passant sur le site, celles qui, associées à de hauts niveaux de radon, auront une origine continentale régionale, de celles pauvre en radon, qui correspondront à une origine océanique, ou bien continentale mais lointaine.  Le radon atmosphérique est en effet un excellent traceur de l’influence récente d’une surface continentale sur une masse d’air car ce gaz, naturellement émis dans l’atmosphère par les roches de la surface terrestre, est chimiquement inerte et ne disparaît que par désintégration radioactive (demi-vie de 3,8 jours). On peut ainsi aisément distinguer une pollution anthropique régionale d’un transport intercontinental, ou encore déterminer la concentration du fond hémisphérique pour divers polluants en ne sélectionnant que les masses d’air les plus pauvres en radon.

D’autre part les mesures conjointes du radon et d’autres polluants atmosphériques, comme par exemple de gaz à effet de serre, permettent par des techniques d’analyse plus complexes, basées en partie sur la modélisation numérique, de restituer des flux d’émission.

Le Pic du Midi, membre du réseau ICOS-France (Service National d’Observation de l’INSU), en mesurant le radon atmosphérique répond aujourd’hui pleinement au cahier des charges des stations de ce réseau.

Les premières mesures au Pic

ActuRadonFigure1-1

Figure 1 : Evolution de la concentration en radon (air extérieur) au Pic du Midi d’octobre 2017 (mise en service) à fin janvier 2018. La concentration en radon est représentée par son activité de désintégration par unité de volume, les deux quantités étant proportionnelles : 1 Bq/m3 représente 4,77 105 atomes / m3, soit encore 1,76 10-19 kg/m3.

Mis en service en octobre 2017 par Scott Chambers, chercheur à l’ANSTO et concepteur de l’instrument, l’instrument a livré ses trois premiers mois de mesure (figure 1).

On voit dans cette série de mesures que l’activité s’est généralement située entre 1 et 3 Bq/m3, à l’exception de 3 ou 4 périodes de quelques jours, où elle a été beaucoup plus faible (entre 100 et 500 mBq/m3, sur environ 20 % du temps).  

Quel vent pour quelle mesure ?

Les mesures inférieures à 500 mBq/m3 ont quasi toutes été réalisées avec du vent de secteur nord-est à est (figure 2), correspondant à des situations anticycloniques (comme le confirment les mesures de pression, non montrées ici). Ces conditions favorables à une grande stabilité verticale dans la basse atmosphère donnent accès au Pic du Midi à la troposphère libre sans influence de la couche limite continentale (ces conditions sont d’ailleurs bien connues des astronomes du Pic pour produire d’excellentes conditions d’observation sans turbulence). Bien qu’arrivant du nord-est, il ne s’agit pas là de masses d’air continentales car elles proviennent de l’Atlantique nord mais décrivent en fin de course sur la France ou l’Europe du nord-ouest, une trajectoire anticyclonique descendante, sans contact avec la surface.

A contrario, les conditions perturbées d’ouest à nord-ouest, réalisant pourtant un trajet plus direct depuis l’océan, correspondent en général à des valeurs élevées de radon (supérieures à 1000 mBq/m3), signature d’une influence continentale récente. En effet, ces conditions correspondent à une faible stabilité – voire une instabilité – verticale des basses couches, favorisant le brassage des masses d’air et leur soulèvement de la plaine vers le Pic. Ces conditions perturbées ont été fréquemment rencontrées en ce début d’hiver particulièrement pluvieux …

ActuRadonFigure2

Figure 2 : Concentration en radon (échelle de couleurs en mBq/m3) en fonction de la direction du vent et de sa vitesse (distance du point par rapport au centre du graphique, en m/s). Le vent considéré ici est celui donné par le radar profileur VHF de Lannemezan à 2850 m d’altitude, plus représentatif à l’échelle régionale que le vent localement mesuré au Pic du Midi (perturbé par la présence des montagnes et des bâtiments).

 

Ces trois premiers mois de mesure du radon au sommet du Pic du Midi, nous ont permis de mettre en évidence, dans les conditions de faible teneur en radon (moins de 200 mBq/m3), des concentrations en gaz à effet de serre à vie longue (CO2 et CH4) nettement plus constantes que dans les masses d’air riches en radon. Les masses d’air sans influence récente d’émissions continentales  ont en effet eu le temps d’être bien mélangées et sont donc représentatives du fond troposphérique pour ces gaz. A terme, en sélectionnant les périodes aux conditions météorologiques adéquates, ces mesures pourront donc fournir une climatologie plus fiable du fond troposphérique.

  

L’instrument de mesure du radon a été acquis avec le soutien de l’Université Toulouse III Paul Sabatier et du Conseil Général des Hautes-Pyrénées dans le cadre du CPER. L’installation et la maintenance de l’instrument à 2800m d’altitude ont pu être réalisé grâce au soutien des services OMP/Pic du Midi.

 

Contact 

François Gheusi, Laboratoire d’Aérologie, francois.gheusi@aero.obs-mip.fr

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