Illumination d’irrégularités électroniques dans la mésosphère

Une équipe du Laboratoire d’Aérologie (Université Toulouse3/CNRS), en collaboration avec des chercheurs de l’université de Bath (Grande-Bretagne) et de l’université de  Catalogne (Terrassa, Espagne) a réussi à mettre en évidence un des mécanismes de déclenchement des « sprites », ces éclairs qui sortent des nuages orageux vers la haute atmosphère. Ces résultats sont publiés en ligne sur le site de la revue Geophysical Research Letters.

Les « sprites » (ou sylphes en français) sont des phénomènes lumineux produits au-dessus des orages, visibles quelques millisecondes à quelques dizaines de millisecondes après certains éclairs entre le nuage et le sol. Ils correspondent à un processus de décharge de type « streamer » qui démarre à environ 70 km d’altitude au sein de la mésosphère. Le déclenchement de ces décharges est possible lorsque le champ électrostatique local dépasse un seuil dont la valeur dépend de la pression et donc de l’altitude. On les trouve sous différentes formes qui sont à l’origine de leur classification en « colonne », « carotte », « ange » ou encore « méduse ».

Les calculs récents à partir de modèles théoriques prédisentl’existence d’irrégularités de densité électronique dans la mésosphèrequi pourraient favoriser le déclenchement de sprites.

Une observation réalisée le 16 août 2013 pourrait confirmer cette hypothèse. Dans ce cas, c’est une grande irrégularité électronique dans la mésosphère d’un volume d’environ 5 km3 à une altitude de 80 à 85 km située au-dessus d’un orage de grande taille (200 km × 200 km) qui s’est développé en fin de journée sur les Pyrénées.

Dans un premier temps, un groupe de 4 éléments de sprites a été observé après un éclair nuage-sol positif à l’aide d’une caméra vidéo située à Clermont-Ferrand, (450 km au Nord de l’orage). Ces 4 éléments lumineux simultanés ont été observés moins de 17 ms après l’éclair et dans sa direction. Ces éléments ont eu un développement très rapide sur une distance verticale d’environ 40 km. Un élément de sprite est également observé à quelques kilomètres de ce groupe, mais il est beaucoup moins lumineux et développé. Cet élément va ré-apparaître ensuite avec un décalage temporel d’au moins 40 ms et un décalage horizontal d’au moins 15 km par rapport à ce premier groupe de sprites, et il va se développer lentement vers le bas sur environ 5 km sous la forme d’une colonne. Les enregistrements de champ électrique rayonné dans une large gamme de basses fréquences (1 Hz à 2 kHz) sur plusieurs stations en France et en Angleterre confirment bien la correspondance entre l’arc-en-retour de l’éclair nuage-sol et le premier groupe de sprites. Par contre, seule la station située à proximité de l’orage (80 km de la localisation de l’éclair positif) a enregistré un signal dans cette gamme de fréquence au moment de l’illumination du deuxième élément de sprite.

Le premier groupe de sprites est clairement du à la décharge positive d’une partie du nuage, qui a été détectée et localisée par le système de détection des éclairs du réseau Météorage. Ce déclenchement est classique et peut s’expliquer car le seuil disruptif de l’air à cette altitude peut être atteint dans ces conditions. Par contre, la deuxième illumination progressive n’est pas associée à une décharge positive, elle ne peut être due qu’à l’existence d’un milieu plus conducteur localement (irrégularité locale) et soumis à un renforcement du champ électrique quasi-statique produit par la réorganisation progressive de charge résiduelle à l’intérieur du nuage d’orage successive à l’éclair nuage-sol. Les irrégularités électroniques mésosphériques peuvent avoir un effet sur la propagation des ondes radio de 100 kHz qui sont utilisées en particulier pour le transfert de l’heure atomique et la navigation maritime.

Image2

A- Image tirée de la vidéo : les 4 éléments de sprite sont bien visibles. B- Répartition de l’intensité lumineuse pour les pixels où elle est supérieure à la médiane de l’ensemble des pixels à 20:27:58,718 TU. On voit une petite tâche de luminosité à gauche du groupe de sprites entre 80 et 85 km d’altitude. C- Cette tâche est ré-illuminée à 20:27:58.758 TU et se développe par la suite sous la forme d’une colonne qui descend vers 74-76 km d’altitude.

Pour en savoir plus : Illumination of mesospheric irregularity by lightning discharge. Martin Füllekrug, Andrew Mezentsev, Serge Soula, Oscar van der Velde, and Adrian Evans. Geophysical Research Letters, Vol. 40, 6411–6416, doi:10.1002/2013GL058502, 2013

Contact chercheur : Serge Soula, Laboratoire d’Aérologie (université Toulouse 3/CNRS ( serge.soulaSPAMFILTER@aero.obs-mip.fr)

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