L’imprévisible Nadine ou comment l’arrivée d’un ouragan en Méditerranée n’a tenu qu’à un fil

Une équipe du Laboratoire d’aérologie (LA/OMP, CNRS / UPS) a réussi à expliquer la trajectoire de l’ouragan Nadine qui se dirigeait vers l’Europe en septembre 2012 et que les prévisions avaient conduit alors à qualifier d’imprévisible. Nadine est reparti vers l’Atlantique au lieu de poursuivre sa trajectoire vers l’Europe en raison de sa position par rapport à une dépression d’altitude située plus au nord au-dessus de l’Atlantique. Ce travail devrait permettre d’améliorer la prévision des trajectoires des ouragans dans l’Atlantique Nord et du temps en Europe occidentale.

Chaque automne, plusieurs ouragans(1) se dirigent vers l’Europe occidentale après s’être transformés en dépressions extratropicales en développant des fronts. Il arrive néanmoins, mais c’est très rare, qu’un ouragan conserve sa structure nuageuse spiralée autour d’un œil durant son périple au-dessus de l’Atlantique. Ce fut le cas de l’ouragan Nadine qui, en septembre 2012, s’est approché de l’Europe.
La prévision de la trajectoire de cet ouragan a posé quelques problèmes.
En effet,  alors que la prévision à haute résolution du Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (CEPMMT) donnait une arrivée de Nadine en mer Méditerranée avec un creusement très profond (une forte diminution de la pression au cœur de l’ouragan), l’ouragan a bifurqué vers l’ouest, puis s’est dissipé dans l’Atlantique.
Par ailleurs, la prévision dite d’ensemble du Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (CEPMMT), constituée de cinquante prévisions à basse résolution avec des conditions initiales différant légèrement les unes des autres et réalisée afin de déterminer la fiabilité de ces prévisions, a montré que la trajectoire de Nadine était imprévisible dans la mesure où ces cinquante prévisions divergeaient fortement.

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Trajectoires de Nadine (traits épais au sud) et de la goutte froide (traits fins au nord) du 20 au 25 septembre 2012 données par la prévision d’ensemble du CEPMMT (basse résolution) dans les deux scénarios d’interaction faible (gauche) et forte (droite). Les trajectoires données par la prévision à haute résolution du CEPMMT sont en gris et celles observées en noir.

Pour comprendre la raison de cette forte incertitude sur la trajectoire de l’ouragan, des chercheurs du LA ont analysé la prévision d’ensemble du CEPMMT. Ils ont ainsi pu mettre en évidence l’existence de deux scénarios possibles pour cette trajectoire, suivant l’intensité forte ou faible de l’interaction entre le vortex cyclonique de Nadine et celui d’une dépression d’altitude(2) située au même moment au nord de Nadine sur l’Atlantique Nord. Les simulations indiquent que si le vortex de Nadine reste à une distance supérieure à 1000 km environ du vortex de la dépression d’altitude (interaction faible), l’ouragan se dirige vers l’ouest, alors que si le vortex de Nadine se rapproche à une distance inférieure à 1000 km environ du vortex de la dépression d’altitude (interaction forte), Nadine se dirige vers l’est et les côtes du Portugal.

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Trajectoires relatives de Nadine par rapport à la dépression d’altitude, du 20 au 23 septembre 2012, données par les simulations Méso-NH (traits colorés), la prévision CEPMMT (trait gris) et l’observation (trait noir). Les cercles pleins marquent la position relative de Nadine chaque jour à minuit et les cercles vides la position du point de bifurcation et de la dépression d’altitude (« cutoff »).

Les chercheurs ont ensuite effectué diverses simulations avec le modèle de recherche communautaire français Méso-NH : ils on tout d’abord reproduit avec Méso-NH la simulation haute résolution du CEPMMT puis en ont réalisé d’autres après avoir déplacé Nadine de quelques centaines de kilomètres. Ils ont ainsi pu confirmer les deux scénarios et l’existence d’une distance seuil. Surtout, ils ont également pu montrer que c’est la position relative des deux vortex, et non pas la seule distance relative, qui importe.
Ce travail montre la forte sensibilité de la prévision aux positions relatives de l’ouragan et de la dépression d’altitude, avec un point de bifurcation autour de 1000 km de distance. Il ouvre une nouvelle voie d’amélioration des prévisions des trajectoires des ouragans dans l’Atlantique Nord.

Notes :

(1) Un ouragan est un cyclone tropical situé dans l’Atlantique Nord.

(2) Une dépression d’altitude est une dépression dont les vents sont de plus en plus forts quand l’altitude augmente, alors que dans un ouragan, les vents sont de plus en plus faibles quand l’altitude augmente.

Source :

F. Pantillon, JP Chaboureau et E. Richard, 2015: Vortex-vortex interaction between Hurricane Nadine (2012) and an Atlantic cutoff dropping the predictability over tne Mediterranean. Q. J. Royal Met. Soc. DOI: 10.1002/qj.2635

Contact :

Jean-Pierre Chaboureau, LA/OMP
jean-pierre.chaboureauSPAMFILTER@aero.obs-mip.fr, 05 61 33 27 50

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